Des huîtres, mais lesquelles ?

On mange des huîtres depuis la préhistoire. Elles étaient alors plates (Ostrea Edulis) mais elles ont été pratiquement décimées par une maladie dans les années 60. Rares et couteuses, elles sont l’huître d’excellence. Celles que nous consommons majoritairement depuis sont creuses (Crassostrea Gigas). Elles représentent 98% de la production française et ont été importées du Japon pour remplacer les huîtres portugaises totalement éradiquées vers 1970 après avoir été implantées au XIXème.

Pendant longtemps, l’activité tenait plutôt de la pêche ou cueillette : des marins ou agriculteurs draguaient les embouchures et bassins et vendaient localement leur “pêche”, que l’on trouvait épisodiquement à la table de la Cour ou des grands seigneurs. Avec le développement du chemin de fer, qui accélère le transport et donc sécurise la consommation à distance, la demande augmente et on passe à un élevage méthodique.

L’huître est un mollusque bivalve des eaux salés qui vit sur le littoral. Les creuses sont hermaphrodites et changent de sexe selon les années. La reproduction se fait en été, principalement en juillet et août. Femelles et mâles libèrent des millions d’ovules et de spermatozoïdes. La fécondation se fait dans l’eau. Les larves attendent septembre pour se sédentariser et se fixer. On les appelle alors naissain.

Au bout de trois ou quatre ans, l’huître atteint une taille commerciale. Elle aura connu trois grandes étapes : le captage, la culture et l’affinage. L’ostréiculture “naturelle” contemporaine se fait à partir de naissains très largement issus de Marennes-Oléron et du bassin d’Arcachon. Après le captage, les naissains sont vendus aux producteurs pour l’élevage qui se fait dans des poches surélevées. Les huîtres sont finalement affinées dans des bassins dits “claires”. Du fait de leur ancienneté et de leur meilleure image les ostréiculteurs de Marennes-Oléron contrôlent l’essentiel de la commercialisation des huîtres en France. D’ailleurs, des huîtres nées et élevées en Bretagne, en Normandie ou en Méditerranée mais affinées dans les deux derniers mois précédant leur consommation dans les claires de Marennes-Oléron auront droit au qualificatif “affinées à Marennes-Oléron”.

On l’ignore souvent mais la pratique traditionnelle a fait place, depuis une décennie, à un élevage intensif. Ceci coïncide avec l’arrivée de naissains “produits” en écloseries puis “cultivées” intensivement sur d’immenses exploitations. Un autre phénomène récent (début du siècle) est l’arrivée des huîtres triploïdes (plus de 30% de la consommation). Cette variété creuse chromosomiquement modifiée a été créée par l’Ifremer (institut public français de recherche pour l’exploitation de la mer).

Huîtres-OstréicultureParce que stérile, elle n’est plus laiteuse en été. Elle est donc commercialisable tout le temps ce qui lui vaut le surnom d’huître “de Quatre saisons”. En outre, elle a une croissance bien plus rapide. D’ailleurs, si on a longtemps évité de manger des huîtres en dehors des mois en « R », c’est parce qu’elles étaient moins bien conservées dans les transports lors des mois de mai à août et aussi parce que c’est la période de reproduction (avec une double incidence : nécessité de préserver l’espèce et perte d’attractivité aux yeux des consommateurs du fait de leur consistance).

Dans le commerce, rien ne distingue les triploïdes des autres huîtres. On en trouve partout, y compris dans les productions les plus haut de gamme. Les ostréiculteurs qui produisent des huîtres nées en mer souhaitent, sans succès pour l’instant, obtenir un étiquetage “huîtres naturelles” les différenciant des huîtres d’écloserie (dont les fameuses triploïdes).

L’huître filtre 6l d’eau de mer par heure. Elle se nourrit de phytoplancton et s’enrichit des éléments minéraux de l’eau et du sol. Or tout cela est spécifique à chaque lieu d’exploitation. C’est donc bien son terroir qui lui donne des goûts et des saveurs distincts. En outre, l’affinage en claires ajoute une autre touche à la palette gustative. On commence d’ailleurs à parler de plus en plus de crus, voire de “meroirs”.

Si depuis quelques années le prix des huîtres a pratiquement doublé, c’est que les producteurs ont connu des crises successives jusqu’à un pic croissant depuis l’été 2008. L’huître subit en effet nombre d’attaques qui ont pu provoquer récemment des mortalités atteignant jusqu’à 80% des parcs : pollutions, intempéries, réchauffement climatique, augmentation du taux d’acidité de la mer, virus et bactéries. Les déplacements des huîtres d’un bassin à l’autre à différents stades de leurs vies contribuent d’ailleurs à la propagation des virus tout comme la production intensive.

L’huître est emblématique des questionnements qui secouent l’agro-alimentaire : nature contre technologie, production raisonnée contre intensive… En tant que sentinelle de la mer, elle est garante de la qualité de la mer et de l’équilibre durable du milieu.  N’hésitez pas à vous renseigner auprès des producteurs et des revendeurs pour connaître le produit que vous mangez maintenant que vous le connaissez mieux.



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