Vous avez pu les voir sur les tables des libraires depuis fin août. 589 romans en tout, dont 393 français et 68 premiers romans. Des noms vous sont familiers, voire trop familiers. D’autres méritent que vous feuilletiez ou achetiez et lisiez. Vous ne pourrez tout lire, alors retenez quelques titres et surtout ce que les pages renferment. Voici quelques propositions voire quelques idées de cadeau pour ne pas sombrer dans la facilité du Goncourt sous le sapin à l’approche de la dernière ligne droite avant Noël. Ce sont les coups de cœur de notre critique littéraire, Norbert Czarny. Il les attribue début septembre pour animer cette conférence qu’il donne et redonne chaque année chez nombre de nos clients. 

Les coups de cœur

Charif-Majdalani-400-320Villa des femmes (Charif Majdalani, Le Seuil). La maison de Skandar Hayek est aussi solide que l’homme, en apparence. Il est le maitre de tous et de tout dans cette banlieue de Beyrouth au milieu des années soixante. Mais quand il disparaît, l’opposition entre sa femme et sa sœur s’avive, ses enfants semblent incapables de prendre la suite et la guerre civile qui menaçait, éclate. Cette épopée d’une écriture somptueuse, racontée par Noula, fidèle serviteur de Skandar prend des allures de conte et de roman d’aventure.

Mémoires d’outre-mer (Michaël Ferrier, Gallimard). Parti sur les traces de son grand-père à Madagascar, l’auteur raconte à la fois l’histoire de cet outre-mer qui a longtemps été la France, et celle de Maxime, parti comme acrobate dans un cirque, devenu riche commerçant, amoureux de la belle Pauline (mais aussi d’une désirable Carmen), toujours vif, singulier, échappant à la bêtise coloniale et à la violence du régime de Vichy. L’évocation donne à l’Histoire (ou à la géographie) une dimension poétique et sensuelle.

La saison des Bijoux (Eric Holder, Le Seuil). Bruno et Jeanne sont forains.  Fabriquant des bijoux, ils ont choisi de faire la saison en Médoc. Ils croisent Nanou, Château Migraine, et quelques autres marchands avec qui ils sympathisent. Mais il faut aussi compter avec Forgeaud, maitre tout puissant des lieux, apparence de brute et prêt à tout pour « posséder » Jeanne. Le roman décrit un univers singulier et méconnu. Il prend parfois les apparences d’un western. Ecrit par l’auteur de Mademoiselle Chambon et sa plume toute en délicatesse, il n’est jamais prévisible : chaque phrase est ciselée … comme un bijou.

Sans état d’âme (Yves Ravey, Éditions de Minuit). Gu n’a plus de maison depuis que son père, avant de mourir, en a signé l’acte de vente en faveur de Blanche dont Gu est amoureux de la fille, Stéphanie. Mais cette dernière aime un Américain qui aimerait la ramener chez lui. Gu a besoin d’argent pour récupérer la maison paternelle et ne supporte pas d’avoir un rival. La solution est vite trouvée… Sur une trame de roman policier, une histoire tendue à l’extrême. L’amour, l’argent, la mort, tout est là, rien de plus.

Football (Jean-Philippe Toussaint, Éditions de Minuit). Le football est pour l’auteur le filtre qui permet de parler de l’enfance bruxelloise, du lien avec son père récemment décédé, de l’écriture, du Japon, pays familier, et de la Corse, autre lieu d’élection. Les Coupes du Monde de 98 à 2006 servent de point de départ, faisant écho à La mélancolie de Zidane, L’urgence et la patience mais aussi Nue, essais et romans de l’auteur pendant cette période de son existence. Un délice d’intelligence, d’humour et d’émotion.

Nathalie-Azoulai-400-320Titus n’aimait pas Bérénice (Nathalie Azoulai, P.O.L.). Au départ, Bérénice, Titus et Roma : Bérénice aime Titus mais Titus aime Roma. Les appels téléphoniques et autres SMS n’y peuvent rien. La narratrice part de ce trio d’aujourd’hui pour raconter l’histoire d’une autre Bérénice et surtout celle de son “créateur”, Racine. De son enfance à Port Royal avec ses maitres jansénistes à sa carrière auprès du Roi Louis XIV, on découvre son parcours intense et contradictoire, entre interdits religieux et passion amoureuse, dans une écriture limpide. Un roman subtil et éclairant sur un grand dramaturge finalement méconnu.

L’imposteur (Javier Cercas, Actes Sud). Enric Marco existe vraiment et a fait scandale en 2005. Président de l’Amicale de Mauthausen, il a représenté pendant plusieurs années les déportés espagnols. Il se prétendait ancien déporté lui-même. Tout était faux. Le récit qu’écrit Cercas pour comprendre cet homme est une enquête passionnante sur la vérité et le mensonge, le statut de héros et la façon dont on construit sa vie comme une fiction. Passionnant de bout en bout.

Un cheval entre dans un bar (David Grossman, Le Seuil). Dovalé Grinstein est un pitre. Il pratique le stand-up, mêlant les improvisations sur l’actualité, les blagues souvent douteuses et les apostrophes au public. Dans la salle miteuse de Netanya, ce soir-là, il y a Avishaï, un juge à la retraite, veuf dépressif, qui l’a connu adolescent, à un moment clé de son existence. Et devant ce vieil ami qui a failli au pire instant, il va jouer le spectacle de sa vie, arrachant le masque du bouffon.

Cela mérite le détour

Au pays du p’tit (Nicolas Fargues, P.O.L.). Romain Ruyssen est sociologue. Auteur d’un essai qui dénigre la culture française, sa petitesse, il rencontre, à Moscou, Janka, une jeune étudiante. Il y passe avec elle quelques jours fiévreux avant de partir aux USA pour promouvoir son essai. Cela lui coûtera cher… Roman très contemporain, sorte de miroir du présent, ce roman de Nicolas Fargue est amusant, méchant et souvent juste dans sa façon de portraiturer une pseudo intelligentsia sûre de son fait. Mais ce roman vieillira-t-il bien ?

Le beau temps (Maryline Desbiolles, Le Seuil). Maurice Jaubert a été compositeur. On le connaît pour la musique de Zéro de conduite ou Hôtel du Nord, mais aussi pour celle de La chambre verte ou de L’histoire d’Adèle H. de Truffaut. Maryline Desbiolles écrit sa biographie, à sa manière. Elle écrit “avec” cet homme, mort en 1940, dans un mouvement qu’on pourrait qualifier d’amoureux. C’est un récit écrit dans la lumière de Nice, la ville qu’ils ont en partage, au fil des saisons.

Nous n’avons pas encore lu mais nous aimerions lire

Vladimir Vladimirovitch (Bernard Chambaz, Flammarion). Un papa de sang (Jean Hatzfeld, Gallimard). La cache (Christophe Boltanski, Stock). Les prépondérants (Hedi Kaddour, Gallimard). Nous serons des héros (Brigitte Giraud, Stock).



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