L’origine du rugby repose sur une fort belle légende, forgée sur les lieux mêmes qui ont donné au sport son nom. Le fondateur mythique du jeu est un collégien de 16 ans, William Webb Ellis, qui, en 1823, lors d’une partie de “football” dans la ville de Rugby en Angleterre, aurait pris la liberté de prendre la balle à la main pour atteindre le but adverse. La réalité de la formation du jeu est certainement plus complexe. On discute encore des liens généalogiques entre le “football rugby” tel qu’il fut codifié à partir de 1846 au sein des collèges britanniques et la pratique plus ou moins ancestrale de jeux villageois continentaux comme la soule ou la barette.

Après la séparation officielle entre football et rugby en 1863, une véritable compétition à échelle nationale voit le jour outre-manche. Sa codification et sa diffusion deviennent peu à peu le monopole d’une société d’amateurs à tendances aristocratiques, regroupés en International Board en 1886. Si, en parallèle, le sport se développe dans les dominions lointains de l’Empire britannique (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie, Canada), il connaît à partir de 1872 en France un développement original. Longtemps tenus à distance par les Britanniques, les Français parviennent en 1910 à intégrer le “tournoi” chevaleresque des cinq nations d’alors (Angleterre, Irlande, Ecosse, Pays de Galles et France).

La pratique du ballon ovale est en France un phénomène social total. Ainsi elle est essentiellement concentrée, hormis Paris, au sud d’une frontière qui va de La Rochelle à Lyon. Le développement télévisuel du jeu à partir des années 50, immortalisé par le vocabulaire truculent de commentateurs mythiques (Roger Couderc, Pierre Albaladejo) marque l’essor international du rugby français et la fabrication de figures héroïques (les frères Spanghero, Boniface, Camberabero, etc). Son succès est toutefois indissociable de la résistance d’une société rurale méridionale, qui fait rimer jusqu’aux années 1980 la pratique amateur avec le maintien de traditions villageoises. Cette culture cohérente est aussi un facteur limitant le nombre de clubs et de licenciés. La récente mondialisation de ce “jeu de voyous pratiqué par des gentlemen” (première coupe du monde en 1987) et sa professionnalisation croissante depuis 1995 provoquent des mutations dont les effets sont encore difficiles à percevoir. Cette dernière n’entrave toutefois pas les structures du jeu, fondées sur la lutte entre le hasard (les rebonds incontrôlables d’un ballon ovale notamment) et le destin (la suprématie physique d’une équipe sur l’autre).



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