Pollution, le numérique aussi ?

En passant du papier au numérique, on a cru en toute bonne foi qu’on dématérialiserait et donc qu’on passerait aussi du polluant au non-polluant. Mais c’est hélas une illusion de croire que le numérique est immatériel. Le numérique, c’est en effet avant tout de l’électricité. Et il n’y a rien de plus matériel que l’électricité.  Taper une requête Google produit-il 2 grammes de CO², selon un évaluateur indépendant, ou 0,2 g, selon Google ? Peu importe. Ce qui est sûr, c’est que Google consomme de l’électricité et rejette beaucoup de polluants. Envoyer un email d’un mégaoctet équivaut à utiliser une ampoule de 60 W pendant 25 minutes. Multipliez cela par 2,6 milliards d’êtres humains possesseurs d’une adresse mail. Puis par une moyenne de 20 emails par jour (hors spam, et on ne compte pas non plus les messages Facebook, les sms, etc…) et ajoutez-y des milliards de requêtes Google, Bing, Yahoo… Vous arriverez  au chiffre stupéfiant de l’équivalent de 30 centrales nucléaires tournant à plein régime dédiées uniquement à Internet.  Rien de virtuel donc !

Quant aux appareils, ce n’est pas plus reluisant. On estime à 50 millions de tonnes les déchets électroniques produits dans le monde en 2010.  Les serveurs des data centers, nos smartphones, PC, Mac, tablettes, mais aussi les télévisions, les imprimantes, les anciens écrans à tube cathodique et les nouveaux écrans plats et toutes les puces intégrées dans d’autres machines… sont très gourmands en métaux lourds tels que le plomb, le mercure ou le cadmium et en plastiques, guère recyclables et/ou guère recyclés. Les plastiques génèrent des dioxines dans l’air ou des microparticules dans l’océan. Les premières malmènent notre système endocrinien (entre autres), les secondes étouffent ou font mourir de faim des oiseaux et des poissons, sans compter l’acidification des eaux… Et lorsque les métaux utilisés ne sont pas toxiques, l’or par exemple, c’est la façon de les produire qui l’est.

Les estimations les plus optimistes ne donnent que 15% des déchets électroniques correctement recyclés. Les 85% restants partent au Ghana, en Inde, et surtout en Chine. Dans la trop célèbre région de Guiyu, la fonte des circuits imprimés, pour en retirer les métaux recyclables, se fait sans protection pour les travailleurs qui hument des cocktails de fumées de métaux toxiques pendant que les cartes déchiquetées sont rejetées dans de gigantesques décharges où pluies et infiltrations diffusent les polluants restants. En amont de la chaîne, la fabrication du matériel électronique ne vaut guère mieux, puisque, outre la pollution chimique engendrée par les mines, elle résulte souvent de conditions de travail fort éloignées de nos standards. Et bien sûr, ces activités, et le transport qu’elles génèrent, coûtent très cher en CO².  Alors, que faire ? Revenir à la plume d’oie ?

Tout d’abord, revenir à l’idée féconde d’un sociologue allemand, Georg Simmel, qui affirme qu’une caractéristique majeure, mais trop négligée, de la société moderne est l’immensité des chaînes d’action. Pour que cette fiche soit imprimée et arrive entre vos mains, combien de milliards d’actions humaines, pour produire ses encres, pour les acheminer, pour produire leurs matières premières, pour les acheminer, pour fabriquer les machines nécessaires, pour produire les matières premières de ces machines… ? Et pour tout ce que l’auteur a consommé jusqu’à ce jour, et pour tout ce que vous avez consommé jusqu’à ce jour ? L’immensité des chaînes d’action modernes masque certes nos responsabilités, mais aussi les conséquences de nos actes.  Les analyses de cycle de vie prouvent cependant qu’il est très difficile de produire, voire simplement d’agir, sans polluer.

Heureusement, il existe quelques actes efficaces, outre le choix d’un ordinateur plus respectueux de l’environnement (certifié par exemple par l’écolabel européen ou ENERGY STAR) et adapté au profil de l’utilisateur :

  1. Stockez l’information, les fichiers, les messages mails dignes d’être archivés sur un disque dur plutôt que sur des serveurs distants.
  2. Nettoyez régulièrement votre boîte mail. Plus un courriel est conservé longtemps sur un serveur, plus son impact sur l’environnement est négatif.
  3. Envoyez un lien plutôt qu’une pièce jointe, afin de réduire la taille du message.
  4. Ne multipliez pas les destinataires. Envoyer 1 mail à 10 destinataires multiplie par 4 l’impact sur le changement climatique.
  5. Imprimez avec modération. D’ailleurs, souvenez-vous que l’encre coûte très cher… même si elle est composée à 80% d’eau !
  6. Imprimez en noir et blanc, imprimez recto verso.
  7. Eteignez les appareils dont vous ne vous servez pas.
  8. Déposez vos appareils électroniques inutilisables dans les magasins annonçant leur participation à un recyclage contrôlé.
  9. Trouvez des solutions originales comme une adresse-mail Newmanity, start-up française qui propose notamment des boîte e-mail “écolo” parce qu’hébergées chez Greenshift, seul opérateur en Europe à proposer des data centers à bilan carbone neutre. De plus, les serveurs de Newmanity sont fabriqués avec des composants recyclables et la chaleur qu’ils produisent chauffe des bureaux.

 



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