Le roi Arthur était-il un bon roi ?

Un jeune écuyer retirant une épée fichée dans une pierre, une main merveilleuse sortant d’un lac en brandissant Excalibur, ou encore un roi siégeant avec ses chevaliers autour de la Table Ronde sont autant d’images associées à la légende arthurienne. Mais qui était le roi Arthur ? Pourquoi fascine t il encore autant aujourd’hui ? À la fois chef de guerre et homme mélancolique, figure de monarque belliqueux et garant légèrement en retrait d’une cour brillante, il s’agit d’un personnage complexe autour duquel gravitent et s’organisent les multiples aventures bretonnes des romans médiévaux.

La création d’une légende

Malgré des recherches archéologiques menées en Grande Bretagne depuis près de deux siècles, aucun élément probant ne permet de soutenir qu’Arthur a réellement existé. Nous pouvons affirmer avec certitude que, dès 600 environ, le nom d’Arthur était connu de certains récits gallois et que, deux ou trois siècles plus tard, il passait pour avoir porté un coup d’arrêt à la conquête de la Grande Bretagne par les Saxons. C’est sans doute le souvenir magnifié de la résistance celte contre les envahisseurs anglo saxons qui est à l’origine de cette légende. Au XIIe siècle, la dynastie des Plantagenêt, qui règne sur la Grande Bretagne, s’invente une filiation avec le roi Arthur et assoit sa légitimité face à sa rivale capétienne, qui se Le-roi-Arthur-Excaliburprésente comme descendante de Charlemagne. Telle est donc l’origine très pragmatique de la littérature arthurienne, qui naît en partie d’une entreprise de propagande politique !

Du chef de guerre à la figure immobile

À partir de données minimales, les textes romanesques médiévaux bâtissent une biographie cohérente du roi Arthur, de sa naissance à sa mort. Comme tout héros, Arthur naît dans des circonstances exceptionnelles : une nuit, le roi Uterpendragon prend, grâce à la magie de Merlin, l’apparence du duc de Cornouailles pour séduire son épouse, Ygerne, dont il s’est épris. De cette union adultère naît Arthur, qui est élevé dans l’ignorance de sa véritable identité. Son accession au trône manifeste de manière éclatante son élection divine : le jeune garçon parvient à retirer une épée fichée dans un roc et devient alors le roi légitime. Bien que les barons refusent au départ de reconnaître l’autorité de cet inconnu, ils finissent par s’y soumettre et, avec son aide, écrasent durablement les Saxons. Le mariage d’Arthur avec Guenièvre signale l’ouverture d’une période de douze années de paix, au cours de laquelle le monarque n’est plus une figure guerrière mais le centre d’une cour raffinée.

Car ce conquérant est aussi un souverain cultivé, dont la cour attire la fine fleur de la chevalerie et devient le modèle absolu de la civilisation dite « courtoise », c’est à dire disposant d’un ensemble idéal de qualités allant de la vaillance à la beauté, en passant par la générosité et la fidélité. Le roi est entouré d’un certain nombre de personnages, que l’on retrouve de récit en récit : ce sont les chevaliers de la Table Ronde. Cette dernière prend une forme circulaire pour éviter les querelles de préséance. D’après certains textes, elle a été fondée par Merlin en souvenir de la Table de la Cène, où le Christ s’est assis à la veille de sa Passion avec ses douze apôtres. Mais Arthur est surtout un souverain féodal : s’entourer de ses barons, cela revient à dire que le roi est choisi parmi un certain nombre de grands seigneurs et qu’il gouverne avec leur accord. Par la suite, la notion de Table Ronde devient plus abstraite : elle est le signe d’appartenance à une élite chevaleresque. Le souverain est, dans cette perspective, le garant d’un système où les individus, libres de quitter la cour pour accomplir leurs prouesses, poursuivent leur propre accomplissement, tout en demeurant liés par une profonde solidarité. Arthur devient ainsi un symbole du pouvoir royal, une figure immobile qui préside aux fêtes et aux tournois.

La vie intime du roi sera la cause de la chute de son royaume. Pris dans un triangle amoureux, il découvre l’amour adultère de sa femme, Guenièvre, et du meilleur chevalier du monde, Lancelot. Malgré sa vaillance, qui assure la gloire d’Arthur, Lancelot est ainsi une menace pour la stabilité du royaume. Par ailleurs, avant de devenir roi, Arthur s’est épris de l’épouse du Le-roi-Arthur-combat-Mordredroi Lot d’Orcanie, qui n’est autre que sa demi sœur. De leur union est né Mordred. Ce dernier s’empare du pouvoir et emprisonne Guenièvre pour l’épouser, alors qu’Arthur est parti guerroyer en Gaule contre l’empereur de Rome. Un dernier affrontement oppose le père et le fils incestueux, au cours d’un carnage qui voit mourir tous les chevaliers dans la plaine de Salisbury. Blessé à mort par son propre fils, Arthur confie son épée, Excalibur, à l’un des derniers survivants. Cette épée vient de l’Autre Monde et elle doit y retourner : une main jaillit d’un lac pour la recevoir. Arthur, lui, est emporté par sa sœur Morgane sur l’île d’Avalon.

L’image d’Arthur est ainsi ambiguë : il s’agit certes d’un souverain respecté, dont la cour civilisatrice connaît une extrême renommée, mais aussi, à la fin de son règne, d’un roi sans énergie, qui subit la destruction de l’univers idéal qu’il incarnait. C’est sans doute la complexité du personnage, à la fois acteur et spectateur de sa propre réussite puis de sa ruine, qui a contribué à son succès. L’incarnation contemporaine bougonne et désabusée qu’en livre Alexandre Astier dans la série parodique Kaamelott ou encore le King Arthur décalé des Monty Python, sur le dos d’un cheval imaginaire, prennent leur source dans les romans médiévaux déjà riches de traditions ambivalentes.

Des idées de loisirs

Retrouver l’épisode de la table dans Kaamelott

A voir : Excalibur, J. Boorman. Lancelot, R. Bresson. Monty Python and the Holy Grail, T. Gilliam et T. Jones. Et bien sûr l’excellente série Kaamelott d’A. Astier qui est d’une grande fidélité à la légende.

Sur le net : http://expositions.bnf.fr/arthur/, l’exposition virtuelle de la Bibliothèque Nationale de France sur “La légende du roi Arthur”.

A lire : La Légende arthurienne. Le Graal et la Table ronde, D. Régnier-Bohler (Robert Laffont). Arthur et la Table ronde. La force d’une légende, A. Berthelot (Gallimard).

A visiter : Partir en pèlerinage sur les traces d’Arthur : commencer par le site de Tintagel à l’extrémité de la pointe cornouaillaise, où Arthur aurait été engendré grâce à la magie de Merlin ; s’arrêter ensuite au château (en ruines) de Cadbury, possible Camelot de la légende ; s’attarder à Glastonbury, emplacement identifié dès le XIIe siècle comme l’île d’Avalon, où Arthur aurait été conduit après sa dernière bataille.



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